protection du patrimoine bâti
En octobre 2020, la ministre de la Culture et des Communications a déposé le projet de loi 69 qui modifie la Loi sur le patrimoine culturel. Le CCVQ a suivi les consultations et a été interpellé sur les problématiques vécues par les citoyens du Vieux-Québec.
1. Programme d’aide
Le 27 novembre 2019, la députée Catherine Dorion s’exprimait dans les médias pour demander une révision de la Loi sur le patrimoine culturel. Elle souhaite mettre un terme au scénario des «tours à condos» qui remplacent les bâtiments patrimoniaux laissés volontairement à l’abandon et démolis.
1. Programme d’aide
Le 27 novembre 2019, la députée Catherine Dorion s’exprimait dans les médias pour demander une révision de la Loi sur le patrimoine culturel. Elle souhaite mettre un terme au scénario des «tours à condos» qui remplacent les bâtiments patrimoniaux laissés volontairement à l’abandon et démolis.
Le 6 décembre 2019, en réponse à l’intervention de la députée de Taschereau, la ministre de la Culture et des Communications annonçait un nouveau programme de 30$M pour la protection du patrimoine bâti afin que les municipalités engagent des spécialistes pour faire un inventaire exhaustif des bâtiments à préserver. Le CCVQ croit qu’il faudra ultérieurement modifier la Loi sur le patrimoine culturel pour restreindre le pouvoir qui a été confié aux municipalités et qui est mal utilisé par les villes dont Québec. La vague de démolitions de bâtiments anciens reconnus au cours des derniers mois en est la preuve ici à Québec.
Le 8 septembre 2020, afin de stimuler l’économie bouleversée par la pandémie mondiale due à la COVID-19, le Gouvernement a annoncé une bonification du programme d’aide pour la restauration du patrimoine immobilier. Les ministères de la Culture et des Communications et des Affaires municipales ont ajouté 21,6$M au montant déjà prévu en décembre 2019.
Pour le CCVQ, ces sommes supplémentaires peuvent être très utiles pour les résidents du Vieux-Québec qui voudront entreprendre des travaux sur leurs propriétés.
2. Interventions des administrations publiques
a) Ville de Québec
En février 2020, la Ville de Québec initiait soudainement une offensive pour protéger le patrimoine immobilier. Une lettre a été transmise à 500 citoyens pour les avertir que, suite à la visite d’un expert en patrimoine, ils ne pourront rénover l’extérieur de leurs maisons ni la démolir sans obtenir l’autorisation de la Commission d’urbanisme et de conservation de Québec.
La Ville a entrepris de réviser ses dossiers. Ainsi, ces citoyens apprenaient que de nombreuses maisons qui n’étaient pas classées pourraient obtenir un statut patrimonial supérieur ou exceptionnel. Elles seraient alors soumises à l’autorité de la Commission. En attendant la décision finale, la Ville a transmis un avertissement à ces propriétaires.
L’action inopinée de la ville fait sûrement suite aux dossiers fortement médiatisés concernant la démolition ou le mauvais état de certains bâtiments patrimoniaux (ex: maison Pasquier située sur le boul. St-Jacques, église St-Coeur-de-Marie, maison Pollack).
Le 15 janvier 2021, la Ville émettait un communiqué annonçant l’accomplissement d’une étape importante dans le processus d’expropriation et d’acquisition de la maison Pollack sise sur la Grande Allée. La Ville s’engage également à rénover la maison une fois acquise.
Enfin! Une bonne nouvelle pour la sauvegarde du patrimoine. Par contre, le CCVQ comprend difficilement le délai inutile que la Ville s’impose en ne se prévalant pas de son pouvoir pour faire dès maintenant l’enregistrement du transfert de propriété. Finalement, le CCVQ espère que nous n’apprendrons pas plus tard qu’il faille détruire la maison parce qu’elle n’est plus récupérable.
Le 22 avril 2021, une nouvelle sur le site de Radio Canada annonçait que la Ville de Québec était finalement propriétaire de la maison Pollack. Le transfert de propriété a été effectué le 7 avril et la prise de possession est prévue pour le 26 avril. Malgré la décrépitude du bâtiment, le CCVQ espère que l’investigation que la Ville réalisera sur l’état du bâtiment n’arrivera pas à la conclusion qu’il faut démolir.
À suivre...
b) Gouvernement provincial
Le 3 juin 2020, dans son rapport annuel 2020-2021 remis à l’Assemblée nationale, la Vérificatrice générale émettait un constant accablant quant au rôle joué par le ministère de la Culture et des Communications envers la protection du patrimoine bâti. Selon la Vérificatrice, le Ministère ne prend pas ses responsabilités, manque de leadership et n’a aucune vision claire de son rôle dans la sauvegarde du patrimoine immobilier.
Le 3 juin 2020, dans son rapport annuel 2020-2021 remis à l’Assemblée nationale, la Vérificatrice générale émettait un constant accablant quant au rôle joué par le ministère de la Culture et des Communications envers la protection du patrimoine bâti. Selon la Vérificatrice, le Ministère ne prend pas ses responsabilités, manque de leadership et n’a aucune vision claire de son rôle dans la sauvegarde du patrimoine immobilier.
Cette conclusion ne surprend pas les résidents du Vieux-Québec qui l’ont constatée à maintes reprises. Le CCVQ a malheureusement noté cette attitude lors de la consultation sur le Plan de conservation du site patrimonial du Vieux-Québec réalisée en 2019.
3. Percées visuelles
La problématique de la protection des percées visuelles, que le CCVQ avait soulevée lors de la consultation sur le Plan de conservation du site patrimoniale du Vieux-Québec, ne concerne pas que notre site patrimoniale. Elle touche aussi d’autres sites patrimoniaux dont Beauport.
Le 17 octobre 2020, dans un article paru dans Le Soleil, Francois Bourque soulignait les actions d’un groupe de citoyens de Beauport qui tente désespérément de préserver les percées visuelles sur le fleuve le long de l’avenue Royale qui seront grandement affectées par des projets résidentiels. Cet article démontre encore une fois l’insouciance et le désintérêt de toutes les administrations publiques (municipal, provincial) quant à la protection des paysages et des vues sur le fleuve.
À la lecture de l’article, le CCVQ s’est réjoui de constater la prise de position favorable du journaliste pour la protection des vues sur le fleuve à Beauport. Par contre, le CCVQ notait qu’il s’était moqué des citoyens du Vieux-Québec et du CCVQ lorsque la même préoccupation avait été soulevée dans le cas des projets de l’îlot McWilliam et de St-Louis-de-Gonzague. À ces yeux nous n’étions que des chiâleux qui refusions le développement du quartier et qui nous battions aveuglement contre tout projet.
4. Projet de loi 69
Le 29 octobre 2020, la ministre de la Culture et des Communications déposa à L’Assemblée nationale le projet de loi 69 Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel.
Avec ce projet de loi, la ministre espère corriger les lacunes soulevées en juin 2020 par la Vérificatrice générale du Québec.
Deux aspects du projet étonnent le CCVQ. Le projet de loi obligera les municipalités à réaliser un inventaire des édifices patrimoniaux afin de mieux contrôler les démolitions. Nous doutons que cela change quelque chose. De plus, les MRC, qui regroupent pourtant les mêmes élus municipaux, surveilleront les municipalités et auront le pouvoir de citer des bâtiments et de désavouer les décisions municipales. Le CCVQ doute que les mêmes élus puissent remettre en question les décisions prises individuellement. Le pouvoir actuel (ou l’absence de volonté) et celui qui sera conféré aux municipalités sont trop importants. Le CCVQ l’a souligné dans son mémoire déposé en 2019 lors des consultations sur le Plan de conservation du site patrimonial du Vieux-Québec. Les nombreuses démolitions survenues au cours des derniers mois le démontrent bien.
Le CCVQ trouve étonnant que le projet de loi n'aborde aucunement l'aide financière qui pourrait être accordée aux municipalités et aux propriétaires pour les aider à entretenir et conserver le patrimoine bâti. De plus, il n'y aucune conséquence pour les délinquants qui laissent volontairement les bâtiments se détériorer.
Dans les années ’80, la Ville de Québec offrait un congé fiscal qui s’appliquait sur 3 ans après l’achat ou la rénovation d’une résidence dans le Vieux-Québec. Malheureusement, ce programme n’aurait duré que trois ans. Il mériterait d’être relancé. Ce serait encourageant pour les propriétaires, en autant que les sommes soient raisonnables. Un tel programme permettrait de restaurer le patrimoine résidentiel et inciterait les propriétaires à faire les travaux. Il serait aussi très incitatif pour attirer de nouveaux résidents dans le quartier.
a) Consultations
En novembre 2020, trois journées de consultations particulières ont permis à certains intervenants choisis par le Gouvernement de commenter le projet de loi.
- mémoire Ville de Québec
La Ville de Québec a présenté ses commentaires le 24 novembre. Elle a blâmé le Ministère de freiner la revitalisation du Vieux-Québec.
La Ville demande à la ministre de la Culture plus d’autonomie pour développer et repeupler le Vieux-Québec. La Ville reproche au Ministère de refuser des projets qui ont été acceptés par toutes les instances de la municipalité. Elle considère que les critères d’acceptabilité utilisés par les fonctionnaires du Ministère portent à interprétation. Enfin, la Ville demande de pouvoir intervenir devant un tribunal administratif pour faire valoir son point de vue lorsqu’un projet est rejeté par le Ministère.
Le CCVQ n’a pas été surpris par les remarques de la Ville. Dans certains cas cependant il est heureux que le Ministère ait ralenti les visées de la Ville. L’agrandissement du Capitole est un bel exemple de ce que peut accepter la Ville quand elle se dissocie du processus d’analyse du Ministère. Il en a été de même pour les projets St-Louis-de-Gonzague et îlot McWilliam.
- intervention du CCVQ
Le 26 novembre 2020, le CCVQ a été interpellé par les médias afin de réagir aux propos du maire tenus la veille lors des consultations. Le CCVQ a donné une entrevue à l’émission radiophonique Première heure de Radio Canada. Il a souligné que la demande de la Ville d’être entendue par un tribunal administratif est pertinente, mais cela ne doit pas être vu comme un chèque en blanc sans que le Ministère ne puisse intervenir. L’entrevue a par la suite porté sur les difficultés des résidents de répondre aux exigences du Ministère lors de la réalisation de travaux et sur les gestes à poser pour attirer de nouveaux résidents. Le CCVQ a mentionné que les budgets d’aide du Ministère devraient être adéquats pour que les résidents et les promoteurs puissent répondre à ses exigences. Le CCVQ a insisté sur le fait que nous demeurons dans une ville du patrimoine mondial qui implique des exigences pour conserver ce statut. Par conséquent, les résidents ne peuvent pas faire n’importe quoi. Quant aux moyens pour faire venir des résidents, il faut promouvoir des projets abordables pour les familles.
Afin de diffuser l’intervention du CCVQ, l’entrevue a été déposée sur sa page Facebook.
- commentaires d’autres intervenants
Les commentaires sur le projet de loi sont nombreux et montrent clairement que les administrations municipales et les défenseurs du patrimoine ne sont pas sur la même longueur d’onde. Par contre, dans l’ensemble des mémoires déposés, une demande revient régulièrement, soit la révision du financement et des programmes d’aides du Ministère afin que le Québec se donne les moyens de ses ambitions en matière de protection du patrimoine. « Tant que la fiscalité ne changera pas, il est plus que probable que les municipalités préféreront le développement immobilier à la protection du patrimoine ». Plusieurs intervenants constatent qu’il arrive trop souvent que des bâtiments soient volontairement laissés à l’abandon pour mieux les démolir et répondre aux attentes des promoteurs.
- analyse de Mme Lambert et M. Joyal
Deux protecteurs du patrimoine reconnus pour leurs nombreuses actions et leur grande implication, Mme Phyllis Lambert et M. Serge Joyal se sont fortement prononcés sur le projet de loi.
Mme Lambert ne voit pas comment la nouvelle loi va vraiment améliorer les choses. Selon elle, le problème majeur est « l’absence d’un arbitre neutre pour protéger l’intérêt public à la préservation du patrimoine ». Les dispositions du projet de loi montrent que c’est encore les municipalités qui seront juges et parties. Pour Mme Lambert, s’imaginer que les municipalités seront bons juges est une illusion. Au Québec, 57% du patrimoine immobilier contenu dans le grand Répertoire de l’État en matière de biens culturels ne jouit d’aucune protection!
Pour M. Joyal, « le patrimoine bâti est vu comme un embarras ». Confier la protection du patrimoine aux MRC comme le prévoit le projet de loi constitue une grave erreur. Tout comme Mme Lambert, il reproche au projet de loi de ne pas mettre en place une autorité indépendante qui protègerait l’intérêt du public pour s’opposer à une démolition ou pour obliger un propriétaire à faire des travaux.
Le 9 février 2021, dans un ultime effort, Mme Phyllis Lambert et M. Serge Joyal ont écrit au premier ministre du Québec lui demandant de retirer le projet de loi 69. Tous les deux en sont venus à la conclusion que « non seulement ce projet de loi ne réglera pas la cause fondamentale de la déchéance constante du patrimoine au Québec, mais que, d’une certaine manière, il contribuera à en rendre la protection encore plus difficile ».
Les deux signataires de la lettre insistent à nouveau à l’effet que les municipalités ne sont pas équipées pour prendre en charge la défense des intérêts collectifs pour la protection du patrimoine bâti.
Les partis de l’opposition à l’Assemblée nationale ont réagi à la lettre de Mme Lambert et de M. Joyal et tout comme ces signataires proposent la création d’un organisme indépendant pour assurer la protection du patrimoine culturel afin de « régler le problème à la source ».
La création d’un organisme indépendant pour assurer la protection du patrimoine culturel trouve des appuis chez d’autres défenseurs de ce patrimoine qui rappellent qu’une telle proposition a déjà été évoquée en 1976.
À suivre...